La Gauche française a rendez vous avec l'histoire

Publié le par Aymeric Seassau

La Gauche française a rendez vous avec l'histoire

Mon interview de rentrée dans les Nouvelles de Loire-Atlantique:

En cette rentrée empreinte d’urgence sociale, de crise politique, NLA à rencontré Aymeric Seassau.

Rentrée politique, crise, initiatives des communistes prévues dans les prochaines semaines, le secrétaire de la fédération de Loire-Atlantique du PCF fait le point..

NLA : Comment les communistes envisagent cette rentrée après un été marqué par de nombreux bouleversements ?

Le limogeage du premier gouvernement Valls marque dans la brutalité la fin d'un été qui aura consacré l'impuissance du couple exécutif tant sur le plan social et économique que sur la scène internationale. Jamais l'écart n'a été aussi grand entre les aspirations d'une majorité de Français qui ont créé les conditions de la victoire sur Nicolas Sarkozy et la politique que conduit le couple exécutif. Les fractures de la majorité parlementaire et la grande faiblesse des soutiens politiques et sociaux du gouvernement accentuent la crise de la politique et peuvent ouvrir une crise de régime. Les communistes abordent cette rentrée, avec exigence, avec responsabilité, avec l'ambition d'être au rendez vous de l'histoire quand l'identité de la gauche, celle de la France sont en jeu.

NLA : Les récents positionnements internationaux du gouvernement ont également marqué une rupture ?

Oui, dans le département, dans toute la France, les communistes ont été acteurs de toutes les mobilisations en soutien au peuple palestinien durant la période estivale. Quelle honte de voir le président de la République accompagner l'entrée en guerre après un entretien téléphonique avec Benjamin Netanyahu qui dirige un des gouvernements les plus droitiers de l'histoire d'Israël ! Il aura fallu une mobilisation exceptionnelle du peuple palestinien et une large mobilisation internationale pour arrêter le massacre après plus de 2000 morts. Après le cessez le feu, les communistes n'entendent pas relâcher la pression en lançant une campagne pour qu'Israël réponde de ses actes.

Et l'été se termine par un inquiétant sommet de l'Otan qui témoigne une fois de plus de la volonté de créer une hégémonie transatlantique nouvelle. Quitte à aggraver une situation déjà terrible pour le peuple ukrainien pris entre le marteau de l'impérialisme atlantiste et l'enclume des rêves de restauration de Poutine. Plus que jamais, les communistes sont engagés pour que la France retrouve une voix forte pour la paix et pour refonder les institutions internationales. Dans les relations internationales comme pour l'avenir de la construction navale, pour nous c'est clair : ni la guerre, ni la finance ! C'est un tout autre cap qu'a choisi François Hollande en refusant l'affrontement au niveau européen et en réduisant au silence la voix de la France à l'échelle internationale avec une orientation atlantiste encore accentuée, tournant à nouveau le dos à plusieurs de ses promesses de campagne.

NLA : La crise politique que traverse l’exécutif est profonde. Peut-on parler de crise de régime ?

La descente aux enfers dans laquelle le couple exécutif est en train d’entraîner le pays a des racines lointaines. Hollande gouverne la France à contre sens des primaires du PS qui avaient lancé sa candidature avec pour seuls soutiens Valls et Baylet qui étaient arrivés en queue de peloton mais surtout à l'encontre des résultats de la présidentielle. Les 4

millions de voix des électeurs du Front de Gauche, celle des écologistes ne sont aujourd'hui pas entendues. Et voilà qu'en une fête politique quelque part en Bourgogne où deux ministres émettent à mi-voix des critiques sur les politiques d'austérité, Valls se saisit de l'occasion pour réaliser un coup de force. Pourtant, chacun peut constater que sur les grands dossiers industriels du département, d'ARCELOR-Mittal à STX en passant par la SEITA, le ministre du redressement productif ne s'était pas illustré par sa combativité.

Après deux jours où tout aura été fait pour élargir le gouvernement le résultat est là : contesté jusque dans le parti majoritaire, à la tête d'une équipe encore réduite, Valls veut gouverner par la force en recherchant le soutien du Medef.

Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour contester les choix d'Hollande et Valls.

Le président de région Jacques Auxiette émet des critiques acerbes sur le gouvernement, allant jusqu'à qualifier Manuel Valls de populiste, dénonçant à propos d'Hollande « une dérive institutionnelle de l'homme providentiel qui se croit capable de tout » et réclamant une autre politique économique.

De nombreux textes sont votés sans majorité absolue à l'Assemblée nationale et le vote de confiance du gouvernement s'annonce difficile avec des élus et responsables écologistes et socialistes qui indiquent qu'ils voteront contre comme l'ont appelés ensemble Pierre Laurent et Jean-Luc Melenchon le 6 Septembre.

Comment ne pas observer dans cette situation nouvelle combien les institutions sont à bout de souffle alors que le Premier ministre annonce son intention de gouverner par ordonnances et engage une réforme territoriale destructrice ?

NLA : A qui peut profiter la crise actuelle ?

Nous l'avons constaté lors des récentes élections les électeurs de droite se re-mobilisent sur des valeurs fortes qu'il y a urgence à faire reculer. Je prends un exemple : entendre le ministre du travail demander un plus grand contrôle des chômeurs n'est pas uniquement une monstruosité dans la bouche d'un homme prétendant agir au nom de la gauche qu'il convient de dénoncer. Le danger vient avant tout du fait qu'une partie du pays se reconnaisse dans cette idée. On vient d'entendre Manuel Valls larmoyer à Bologne en annonçant Marine Le Pen aux portes du pouvoir en France. Si le Front National gagne en puissance c'est avant tout parce que la politique conduite actuellement favorise la droite et son extrême en reprenant dans les faits le « There is no alternative » (il n'y a pas d'alternative) de Thatcher. Il y a urgence à construire l'alternative à gauche afin d'interdire à Valls d'avancer vers 2017 en affichant « C'est Le Pen ou moi ! ».

Ne nous y trompons pas. Les discussions stratégiques ne suffiront pas si nous n'engageons pas un formidable travail de rassemblement, de construction et de conviction avec notre peuple. Les communistes y sont prêts.

NLA : Avec qui construire ce rassemblement ?

Avant tout avec les millions d'hommes et de femmes qui n'ont pas chassé Sarkozy pour voir reconduite sa politique économique et sociale. Nous n'avons qu'une boussole : travailler avec toutes celles et tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la politique conduite actuellement et qui ne veulent pas du retour de la droite et encore moins d'un nouvelle avancée du Front National.

La dimension citoyenne et populaire est essentielle. De ce point de vue la décision de la CGT d'appeler à une journée d'action le 11 Octobre est une excellente nouvelle. Face au pacte de responsabilités et ses 5O milliards mobilisés pour servir les appétits du Medef alors que le chômage augmente, un vaste mouvement de contestation, politique et social peut gagner en puissance et favoriser l’émergence d'une nouvelle majorité politique à gauche.

NLA : Quel serait le contour de cette majorité nouvelle ?

Elle reste à faire. Mais des événements nouveaux sont encourageants, comme cette majorité relative qui s'est trouvé au sein du conseil régional pour mettre notre région « Hors Grand Marché Transatlantique » sur proposition des groupes communiste et écologique. Dans une situation politique aussi mouvante, commencer par dresser des cordons sanitaires ou tracer des frontières au rassemblement n'aurait aucun sens. Le drapeau de la gauche est à terre et nous voulons rassembler les forces disponibles pour le relever. L'accueil de Pierre Laurent aux universités d'été du PS, mais surtout l'écho rencontré par son discours clair et offensif bien au delà de nos rangs en témoigne. « A un gouvernement sectaire doit répondre un Front Ouvert » disait le nouveau maire de Montreuil Patrice Bessac à la veille de la rencontre nationale du Front de Gauche du 6 Septembre. Après une année conflictuelle, la tonalité apaisée comme la convergence autour de la nécessité de relancer le Front de Gauche sur de nouveaux objectifs est positive. Nous voulons pour notre part nous adresser sans exclusives à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les politiques du gouvernement, quels qu'ait été leur choix en 2012, quelle que soit leur appartenance politique. A tous nous disons : « Nous pouvons construire des solutions communes et entrer dans l'action ensemble ». Sur le bras de fer à engager avec la finance, sur l'impératif d'une refondation démocratique de la République, sur la relance par les investissements et le pouvoir d'achat, nous pouvons rassembler largement.

NLA : Quelles initiatives allez vous prendre ?

Nous lancerons à la fête de l'Humanité une pétition nationale pour gagner un referendum sur la réforme territoriale. La fête sera aussi une caisse de résonance des luttes et un carrefour politique où nous pourrons débattre avec les « frondeurs » du PS, avec des écologistes, avec tout ceux qui s'expriment et contestent à gauche. En Loire-Atlantique, nous organiserons rapidement des rencontres « bilatérales » avec les organisations du Front de Gauche naturellement mais aussi avec les écologistes, avec le nouveau parti « Nouvelle Donne », avec les socialistes critiques de « Vive la Gauche » et d'autres pour examiner les convergences et les potentiels de travail et d'actions collectifs. Le Pcf va organiser fin novembre une convention nationale sur l'industrie. Nous voulons travailler d'ici là, en Loire-Atlantique, à des Etats Généraux de l'industrie pour donner la parole à des syndicalistes, à des élus pour travailler à la reconquête des emplois et savoir faire industriels dans notre département. Et puis les communistes auront un temps important avec la conférence nationale des 8 et 9 novembre qui permettra de prendre du recul sur la séquence électorale qui vient de se clore et de débattre sans tabou de nos initiatives et de nos objectifs de rassemblement.

NLA : Quel est l’état d'esprit des militants communistes dans la période ?

Soucieux, combatifs, déterminés... Bien sur nous avons souffert des conquêtes de la droite aux municipales qui, en Loire-Atlantique comme ailleurs, n'ont pas épargné les communistes comme à Trignac où avec Sabine Mahé et son équipe nous sommes en reconquête. Pour la première fois, nous comptons autant d'élus municipaux dans l'opposition que dans des majorités de gauche. Ils sont dans l'action au quotidien pour résister aux mauvais coups du pouvoir central et gagner des politiques publiques ambitieuses.

Dans un parti qui compte des ouvriers, des employés, des retraités plutôt que des banquiers de Rothschild promis à des ministères, nous n'avons pas besoin d'allumer la télé pour prendre toute la mesure des difficultés qui pèsent sur de trop nombreuses familles en cette période de rentrée scolaire. Chacun mesure la gravité du moment et les responsabilités qui sont les nôtres. J'ai confiance dans la capacité des communistes à débattre, à construire, à agir, à rassembler encore et toujours. Il y a urgence, la gauche française a rendez vous avec l'histoire.

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